Volet 1 – Le legs du Collège Sainte-Marie

Présenté à partir du 4 décembre

Photo : Nathalie St-Pierre

1

Euclide [Euclides] (323-285 av. J.-C.), Euclidis elementorum libri XV : accessit XVI de solidorum regularium cujuslibet intra quodlibet comparatione : omnes perspicuis demonstrationibus, accuratisque scholiis illustrati, acmultarum rerum accessione locupletati [Les Éléments], Cologne, Giovanni Battista Ciotti, 1591.
Cote : LA-B 1591 QA 52 T. 1-2

Depuis l’époque de leur composition vers 300 avant notre ère, les Éléments d’Euclide, traitant à la fois de géométrie, d’arithmétique et de nombres irrationnels, sont demeurés le noyau de l’enseignement mathématique dans les collèges et les universités. L’édition uqamienne est enrichie des commentaires du jésuite Christophe Clavius (1538-1612), surnommé « l’Euclide de son temps ». Le texte de l’édition est basé sur la version médiévale donnée par Campanus de Novare au XIIIe siècle.

Dans cette édition, entre chaque folio imprimé, se trouve un folio vierge. Une main postérieure au XVIe siècle s’est servie de ces pages intercalaires du volume II pour traduire en français, résumer ou annoter les théorèmes, postulats, axiomes et propositions d’Euclide.

2

Hérodote d’Halicarnasse [Herodotus Halicarnasseus] (484?-420? av. J.-C.), Herodoti Halicarnassei Historiae libri IX : et De Vita Homeri libellus. Illi ex interpretatione Laurentio Vallae adscripta, hic ex interpretatione Conradi Heresbachii : utraq[ue] ab Henr. Stephano recognita… [Histoire et Vie de Homère], Francfort, héritiers d’André Wechel, 1584.
Cote : LA-D 1584 PA 160

Cet ouvrage assez complexe réhabilite Hérodote. Il est le fruit du travail de nombreuses personnes, et d’abord, celui d’André Wechel (1510-1581), fils de l’imprimeur libraire parisien Chrétien Wechel (1495-1554). André Wechel était un imprimeur français installé à Paris, qui, après s’être converti au protestantisme, se réfugia en 1572 en Allemagne, échappant ainsi aux massacres de la Saint-Barthélemy. Ajoutons à ce dernier Friedrich Sylburg le correcteur, et ancien élève de Henri Estienne ; Henri Estienne (1528?-1598), lexicographe, helléniste, imprimeur, dont on reprend l’Apologia ; Conrad Hertzbach (1496-1576), gouverneur puis conseiller du prince Guillaume, dont on reprend la traduction de la Vie d’Homère ; et Lorenzo Valla (1406-1457), humaniste et philologue italien, dont on reproduit la traduction des Histoires. Le livre est par la suite réimprimé, toujours chez Wechel, en 1594 et en 1595, preuve que son succès ne se dément pas.

3

Acosta, José de [De Acostat, Joseph] (1540-1600), Josephi A Costa, Societatis Iesu, De natura novi orbis libri duo. Et De promulgatione evangelii apud barbaros, sive, De procuranda indorum, salute, libri sex. [De la nature du Nouveau Monde. De la dissémination de l’Évangile chez les Barbares], Cologne, Arnold Mylius, 1596.
Cote : LA-D 1596 E 250

Outre une discussion des opinions sur la Terre et ses habitants chez les auteurs antiques et modernes, ce livre s’intéresse aussi aux difficultés de prêcher l’Évangile aux habitants du Nouveau Monde. L’auteur, qui s’ouvre à l’Autre, pense que les carences de ces peuples sont plutôt culturelles que naturelles, ce qui le conforte dans l’idée de l’importance d’un bon système d’éducation.

Sur le dos de cette reliure en vélin, on trouve le titre inscrit en noir et la cote à l’encre rouge, ainsi qu’une autre inscription du titre sur la tranche, ce qui permettait de classer le livre à l’horizontal ou à la verticale.

4

Kempis, Thomas a [Malleolus, Thomas; Hemerken, Thomas] (1380?-1471), De imitatione Christi et rerum mundanarum contemptu, libri quatuor vere aurei [L’Imitation de Jésus-Christ], Cologne, Maternus Cholinus, 1570.
Cote : LA-E 1570 BT 99

Ouvrage incontournable de l’histoire du christianisme, l’Imitation de Jésus-Christ de Thomas a Kempis fut, après la Bible, le livre qui connut le plus grand nombre d’éditions et de traductions dans toutes les langues d’Europe ainsi que dans de nombreux dialectes. Rattaché au courant spirituel de la Devotio moderna né aux Pays-Bas vers la fin du XIVe siècle, ce traité propose une voie méditative et ascétique vers la grâce et l’amour divin. S’adressant d’abord aux moines, il connaît rapidement une fortune remarquable parmi les laïcs et est même adapté, avec quelques coupures, à la pensée protestante du XVIe siècle. 

L’exemplaire uqamien appartient à Maternus Cholinus (1525?-1588), un éditeur catholique entretenant des liens étroits avec les jésuites et imprimeur de nombreuses éditions de l’œuvre de Thomas a Kempis. 

5

Del Rio, Martin Anton [Delrio, Martinus Antonius] (1551-1608), Martini Antonii Delrii, ex societate Iesu, Syntagma tragoediae latinae, in tres partes distinctum [Recueil de tragédies latines], Anvers, [Jeanne Rivière], veuve de Christophe Plantin, et Jean Moretus, 1593.
Cote : LA-C 1593 PA 66.5 T. 1-3

Le Syntagma est une œuvre humaniste à vocation savante et pédagogique qui accorde une place toute particulière aux tragédies latines de l’auteur stoïcien du Ier siècle de notre ère, Sénèque.

Bien qu’il y eut un certain nombre de femmes imprimeurs à la Renaissance, leur contribution est souvent réduite à la mention de « Apud Vidua » (Chez la veuve) sur la page de titre, comme c’est le cas ici pour désigner la veuve de Plantin, Jeanne Rivière.

Les livres rares et collection spéciales de l’UQAM possèdent également une édition du théâtre d’Eschyle, publiée à Londres en 1823, ayant appartenu au Collège Sainte-Marie, témoignage supplémentaire de l’intérêt que les Jésuites ont toujours porté au théâtre dans leur programme éducatif (ou ratio studiorum).

6

Antonin le Florentin, saint [Antoninus] (1389-1459), Secu[n]da pars Summe revere[n]dissimi in Christo patris ac o[m]ni : o[m]ni Antonini archiep[iscop]i florentini [La Somme théologique], Bâle, Jean Froben, Jean Petri et Jean de Amerbach, 1511.
Cote : LA-F 1511 BJ 1249

Cet ouvrage de théologie morale comprend une introduction générale sur les différentes sortes de péchés, une analyse détaillée des péchés, un exposé des règles de conduite selon les états sociaux, et se termine avec un traité sur les vertus. L’auteur s’intéresse à tout, y compris la question de la pollution nocturne, volontaire ou involontaire, même s’il s’en remet pour l’essentiel de cette question à la Summa de Thomas d’Aquin. 

La page de titre comporte une marque d’imprimeur qui ne fut utilisée que par ces trois imprimeurs (Petri, de Amerbach et Froben). Cette dernière est considérée comme l’une des plus grandes puisqu’elle occupe une page entière. Le dernier des trois imprimeurs, J. Froben, devint l’imprimeur d’humanistes, tel Erasme. 

Ce volume fut prisé au Québec, car plusieurs fonds anciens en conservent un exemplaire, dont ceux du Musée de l’Amérique francophone, de l’Université de Montréal et de McGill.

7

Grotius, Hugo [De Groot, Huigh] (1583-1645); Courtin, Antoine de (1622-1685), trad., Le Droit de la guerre et de la paix, … divisé en trois livres, Où il explique, Le droit de la nature, le droit des gens, & les principaux Points du droit public, ou qui concerne le gouvernement public d’un état, Paris, Arnould Seneuze, 1687.
Cote : LA-C 1687 KZ 2093 T. 1-2

Ce texte est reconnu comme étant au fondement de la conception du droit international. Il a été publié pour la première fois en latin en 1625 et a fait l’objet de nombreuses rééditions par la suite. Cet exemplaire, traduit en français par Antoine de Courtin, se présente en deux volumes. Le premier est composé de belles gravures dont l’une est un portrait de Courtin. Originaire des Provinces-Unies, Grotius est l’un des grands théoriciens du droit naturel et sa perception de la « guerre juste » s’exprime dans cet ouvrage. Son œuvre et sa pensée sont profondément marquées par son époque : la guerre entre catholiques et protestants ainsi que celle entre Bourbons et Habsbourg.

L’ouvrage propose une justification détaillée de tous les aspects de la guerre, de son commencement à sa conclusion, en passant par sa conduite. Il est divisé en trois livres. Les deux premiers sont rassemblés dans le premier volume et le troisième dans le second. Dans le premier livre, l’auteur traite de l’origine du droit, de la question de la guerre juste ainsi que des différences entre guerre publique et privée. Dans le deuxième, il expose les causes des guerres et traite de la propriété, des règles des successions sur les trônes, des pactes et contrats, du serment et des alliances. Il évoque également la question des réparations. Quant au troisième, il est consacré à ce qui est permis durant la guerre.

8

Commynes, Philippe de, seigneur d’Argenton [Commines, Philippe de] (1447-1511), Les mémoires de Messire Philippe de Commines, chevalier, seigneur d’Argenton : Sur les principaux faicts et gestes de Loys XI et Charles VIII son fils, Roys de France. Deux Epistres de Iean Sleidan avec la vie de l’autheur et un ample indice des choses plus remarquables, le tout reveu et corrigé sur l’edition de Denis Sauvage, [Genève], [Antoine Blanc] pour Jacques Chouet, 1596.
Cote : LA-E 1596 DC 106.9

Célèbre pour ses talents de diplomate exercés auprès du duc de Bourgogne Charles le Téméraire, puis des rois de France Louis XI et  Charles VIII, Philippe de Commynes offre, à travers ses Mémoires, un témoignage unique et précieux sur l’histoire politique de la France et de l’Italie de son temps. Son approche critique et philosophique de l’histoire lui confère la notoriété de premier historien moderne.

L’édition uqamienne – augmentée des éloges de Mémoires que firent Montaigne dans ses Essais, de même que d’une notice biographique sur l’auteur de Juste Lipse dans ses Politiques, ainsi que de deux épîtres de l’historien protestant Jean Sleidan – contient également trois portraits gravés représentant Charles VIII, Louis XI et l’auteur, ici exposé

9

Estienne, Robert (1503?-1559), Tès Kainès Diathèkès Hapanta. Novum Testamentum. Ex bibliotheca regia [Nouveau Testament], Paris, Robert II Estienne, 1568.
Cote : LA-E 1568 BS 1965 T. 1-2

L’édition en grec du Nouveau Testament entreprise en 1546 par le grand imprimeur humaniste Robert Estienne est une version portative, destinée au grand public, de l’édition savante et comparative de la Bible que l’imprimeur élabore depuis les débuts de sa carrière. Cette édition utilise les caractères « petits grecs » du célèbre graveur Claude Garamond (1499-1561)

La réédition de 1568 conservée à l’UQAM est l’oeuvre du fils de Robert Estienne, qui enrichit encore l’apparat critique de l’ouvrage. Cet exemplaire montre le nom de l’imprimeur censuré à l’encre à la première page de titre, dans la préface, au colophon ainsi que dans le texte du privilège, mais non à la deuxième page de titre.

10

Érasme [Erasmus, Desiderius] (1469-1536), Colloquiorum familarium opus [Colloques], Bâle, Mathias Harcher, 1554.
Cote : LA-E 1554 PA 226

L’un des best-sellers de son époque dès sa première édition piratée (1518) et malgré sa mise à l’Index (1564), le livre des Colloques du grand humaniste Didier Érasme de Rotterdam, est autant un manuel de conversation latine qu’un outil d’éducation morale et de piété chrétienne introduisant quelques idées réformatrices. Composé sous forme d’une série de dialogues, il aborde une multitude de sujets politiques et moraux qui préoccupaient les esprits à l’époque des grandes mutations religieuses en Europe.

L’exemplaire uqamien, fortement censuré et confiné dans « l’Enfer » de la bibliothèque du Collège Sainte-Marie – parmi les livres à accès restreint ou interdit – témoigne de la place particulière qu’occupaient les écrits d’Érasme dans l’œuvre éducative des Jésuites.

11

Hygin [Hyginus, Caius Julius] (67 av. J.-C.-17 apr. J.-C.), C. iulii Hygini, Augusti liberti fabularum liber, ad omnium poetarum lectionem mire necessarius, et nunc denuo excusus. Ejusdem poeticon Astronomicon libri quatuor quibus accesserunt similis argumenti… [Livre des fables et traité d’astronomie], Paris, Jean Parant, 1578.
Cote : LA-D 1578 PA 229

Hygin fut peut-être l’esclave de Jules César, affranchi par Auguste et chargé, en tant que grammairien, de la Bibliothèque palatine.

Cet ouvrage contient les Fables (avec la généalogie des dieux des héros) et le Traité sur l’astronomie (qui mêle connaissances physiques et légendes), ainsi que des textes d’autres auteurs sur des sujets apparentés. Dans le chapitre exposé, faisant partie du Livre IV consacré aux planètes, Hygin décrit les planètes Mercure et Jupiter.

12

Valeriano, Giovan Pietro [Valeriano, Pierio, dit Pierius] (1477-1560), Hieroglyphica, seu de sacris aegyptiorum… [Hiéroglyphes, ou Commentaires sur les lettres sacrées des Égyptiens], Lyon, Barthélemy Honorat, 1586.
Cote : LA-F 1586 PJ 4

Cette oeuvre monumentale offre une interprétation symbolique et allégorique des hiéroglyphes égyptiens redécouverts en Europe grâce notamment à la publication des Hieroglyphica du savant grec Horapollon (Ve siècle) par Alde Manuce à Venise en 1505. Elle se veut une somme syncrétique des symboles issus de la culture chrétienne comme des traditions antiques gréco-latines, hébraïques et égyptiennes, en plus de l’heritage symbolique populaire médiéval. 

Cette oeuvre propose, sous forme de chapitres dédiés à des personnalités contemporaines de l’auteur, une synthèse emblématique du monde par ses signes issus de tous les domaines du savoir. Les soixante « livres » ou chapitres de ce grand in-folio d’emblèmes contiennent de nombreuses gravures sur bois, dont celle-ci du dieu Pan avec sa flûte.

13

Grafigny, Françoise de [née Françoise d’Issembourg du Buisson d’Happoncourt] (1695-1758), Lettres d’une péruvienne = Lettere d’una Peruviana. Lyon, Frères Bruyset, 1792. 
Cote : LA-E 1792 PQ 1986 T. 1-2

Françoise d’Issembourg du Buisson d’Happoncourt, dame de Graffigny a occupé une place importante dans la littérature du XVIIIe siècle, notamment grâce à cet ouvrage publié pour la première fois en 1747, un des plus grands succès de librairie de l’époque avec plus d’une quarantaine d’éditions jusqu’à la fin du siècle, traduit en cinq langues. 

Il s’agit d’un roman épistolaire qui rassemble 38 missives (41 pour l’édition de 1752) à travers lesquelles on découvre l’histoire de Zilia, une jeune vierge du Temple Solaire, qui a été enlevée par les Espagnols le jour même de ses noces avec son cousin Aza, puis rachetée par le capitaine de Breteville qui la mène dans la France de Louis XIV dont elle ne connaît ni la langue ni la culture. Mme de Graffigny innove notamment par son propos féministe alors qu’elle dénonce la condition des femmes et conclut son roman par le choix que fait son héroïne de renoncer au mariage, au nom du « plaisir d’être » et de l’indépendance. Le roman a été mis à l’Index en 1765, ce qui n’empêche nullement sa circulation. Il y eut plus de 26 éditions bilingues, français-italien, comme celle présentée ici. Celles-ci servaient à apprendre ces langues et ont fait du roman un ouvrage didactique.

14

Montesquieu (Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, dit ) (1689-1755), De l’esprit des loix, ou, du rapport que les loix doivent avoir avec la constitution de chaque gouvernement, les mœurs, le climat, la religion, le commerce, … Genève, Barrillot & Fils, 1750.
Cote : LA-D 1750 JC 179 T. 1-3

L’ouvrage phare du grand penseur politique du XVIIIe siècle, Montesquieu, a été publié pour la première fois à Genève, en 1748 et a connu une vingtaine d’éditions. Cet ouvrage auquel l’auteur a consacré une trentaine d’années de travail a exercé une influence majeure, fondement de la science politique moderne et de la sociologie. Montesquieu y analyse les institutions humaines dans leur complexité en cherchant les liens que les lois, c’est-à-dire les « rapports nécessaires qui dérivent de la nature et des choses », entretiennent avec le climat, la religion, les mœurs, les richesses, le commerce des peuples. Très conscient du caractère novateur de l’Esprit des Lois, Montesquieu met en exergue une citation d’Ovide : « Prolem sine matre creatam » (Enfant né sans mère) pour le signifier. 

La parution de cet ouvrage a suscité de nombreuses réactions. Jésuites et jansénistes amènent l’Église de Rome à le mettre à l’Index en 1751 ; la Sorbonne le condamne en 1754, lui reprochant notamment de penser l’action humaine indépendante de la volonté de Dieu. 

15

Torsellino, Orazio [Torsellini, Horatio; Tursellinus, Horatius] (1545-1599), Horatii Tursellini e Societate Iesu Lauretanae historiae libri quinque [Histoire de Lorette], Romae, A. Zannetum, 1605.
Cote : LA-E 1605 BX 250 T. 1-5

Dans cet ouvrage en latin, le jésuite italien Orazio Torsellino s’est fait l’historiographe du sanctuaire de Lorette, premier lieu de pèlerinage marial en importance dans l’Italie du XVIe s. Le sanctuaire de Lorette renferme en ses murs la Sainte Maison (Santa Casa), c’est-à-dire la maison natale de la Vierge Marie qui, de Nazareth, aurait été miraculeusement transportée par des anges jusqu’à Lorette à la fin du XIIIe siècle.

Par ailleurs, le père jésuite Joseph-Marie Chaumonot a accompli, à la fin du XVIIe siècle, la promesse qu’il avait formulée en 1637, au sanctuaire de Lorette en Italie, d’ériger en Nouvelle-France une chapelle sous le nom de Notre-Dame de Lorette (cette chapelle se trouve aujourd’hui à l’Ancienne-Lorette), et sur le plan de la Sainte Maison qui se trouve en Italie.

Il est aussi permis de penser que la traversée du culte lorétin de l’Italie vers la Nouvelle-France a pris appui sur la traversée d’un livre – la Lauretana Historia –, puisque le nom de Torsellino (sous sa forme francisée « Turcellin ») est cité par le missionnaire jésuite Martin Bouvart, dans son mémoire De la chapelle de Notre-Dame de Lorette en Canada, qui date de mars 1675.

16

Suétone [Tranquillus, Caius Suetonius] (69? av. J.-C.-126? apr. J.-C.), C. Suetonii Tranquilli XII Caesares : ex vetusto exemplari emendatiores multis locis [Vie des douze Césars], Paris, Robert Estienne, 1543.
Cote : LA-D 1543 DG 58

Les biographies des douze premiers empereurs de Rome par Suétone constituent, encore aujourd’hui, l’une de nos sources principales de l’histoire de l’Empire romain. Ses méthodes d’organisation de la matière historique, ainsi que son style, ont profondément influencé le genre biographique au Moyen Âge et à la Renaissance.

La présente édition des Vies des douze Césars est reconnue comme étant l’une des plus importantes de la Renaissance. D’abord, elle constitue l’un des premiers textes classiques imprimés par Robert Estienne (avec ses nouveaux caractères italiques réalisés par Garamond et imitant ceux des Aldes). Et surtout, Estienne mentionne que le texte est établi à partir du vetustum exemplar, c’est-à-dire le « Codex Memmianus » (à présent Paris, BnF, lat. 6115), considéré comme le meilleur et le plus ancien, daté du IXe siècle. Ce texte « épuré » est suivi des commentaires de Guivanni Battista Cipelli (dit Egnazio) qui traduit également des passages en grec, ainsi que de l’avis au lecteur repris de l’édition donnée par Érasme en 1518.

Plusieurs notes manuscrites, en grec et en latin, attestent des lectures assidues de l’exemplaire uqamien au fil des âges.

17

Estienne, Charles (1504?-1564). Dictionarium historicum geographicum, pœticum, gentium, hominum, deorum gentiliu regionum, locorum, ciuitatum, equorum, fluuiorum, sinuum, portuum, promontoriorum, ac montium [Dictionnaire historique, géographique etc.], Lyon, Thomas Soubron et Moïse Desprez, 1595.
Cote : LA-C 1595 AG 8

La présence d’un tel ouvrage pédagogique dans la bibliothèque d’un collège jésuite n’est en rien surprenante. Son auteur précise d’emblée qu’il s’adresse aux « adolescents studieux ». Ce dictionnaire figure parmi les premiers dictionnaires historiques modernes et a permis l’éclosion du genre. L’ouvrage connaît une trentaine d’éditions aux XVIe et XVIIe siècles, ce qui en fait un véritable succès de librairie. Charles Estienne est issu de la célèbre famille d’imprimeurs, laquelle a contribué de façon exceptionnelle à l’entreprise lexicographique à la Renaissance. La première édition parue en 1553, provient de l’atelier même de Charles Estienne à Paris. Le Dictionarium a toujours été imprimé en format in-quarto et a toujours tenu en un seul volume, ce qui le rend très facile à manier. Le texte est imprimé sur deux colonnes et les entrées sont organisées par ordre alphabétique, organisation qui ne va pas encore de soi pour les lexicographes qui doivent encore à l’époque la justifier. 

Le bandeau décoratif qui illustre la première page du dictionnaire montre deux épisodes de la légende de Samson de l’Ancien Testament. À gauche, on le voit enflammer la queue des renards qu’il voulait relâcher pour enflammer les champs de blé de ses ennemis les Philistins. À droite, Dalila lui coupe les cheveux et le prive ainsi de sa force.

18

Aristote [Aristoteles] (384-322 av. J.-C.), Commentarii Collegii Conimbricensis societatis Iesu, in libros de generatione et corruptione Aristotelis Stagiritae [Commentaires sur les traités du Stagirite sur la génération et la corruption des choses], Mayence, Johann Albin, 1599.
Cote : LA-C 1599 BV 99

Ces Commentaires sur les traités du Stagirite sur la génération et la corruption des choses font partie des publications par le Collège de Coïmbre, au Portugal, des oeuvres d’Aristote commentées par ses professeurs dans une volonté d’offrir une version officielle de l’interprétation jésuite de la physique aristotélicienne. 

L’exemplaire de l’UQAM nous est parvenu dans un bon état de conservation malgré ses pérégrinations, attestées par plusieurs marques de possesseurs suisses avant son entrée dans les collections du Collège Sainte-Marie. 

19

Jansénius [Jansenius, Cornelius] (1585-1638), Pentateuchus sive Commentarius in quinque libros Moysis, Paris, Iacobvm (Jacob) L’Aisne, 1677.
Cote : LA-C 1677 BS 104

Ce livre posthume est publié pour la première fois en 1641 à Louvain. Il s’agit d’un commentaire sur l’ensemble des cinq premiers livres de la bible. Dans la tradition juive, ces cinq livres constituent la Torah. Si le nom de Cornelius Jansénius est davantage rattaché à son œuvre majeure L’Augustinus, cet ouvrage, qui contient l’approbation de 1641, a également joué un rôle important dans le développement de la doctrine janséniste et dans la querelle avec les jésuites. En 1602, l’évêque d’Ypres entre à l’Université de Louvain qui est alors le théâtre d’une lutte violente entre jésuites et augustiniens pour lesquels il prend parti. Ses idées, qui influenceront le jansénisme au point de lui donner son nom, ont suscité l’hostilité, non seulement des jésuites, mais également du pouvoir royal français et de la papauté. 

20

César, Jules [Caius Julius Caesar] (100-44 av. J.-C.), Rerum ab gestarum commentarii [Commentaires sur la Guerre des Gaules], Lyon, Antoine Gryphe, 1588.
Cote : LA-E 1588 PA 208

Les Commentaires sur la Guerre des Gaules de César, un texte classique militaire aussi bien qu’un exemple parfait de la stylistique latine, fait ici objet d’une édition humaniste qui regroupe plusieurs écrits de César complétés par ceux rédigés par Aulus Hirtius, un membre de son état-major, par quelques extraits du traité de Végèce De re militari, un autre classique de l’art militaire, et enrichis de commentaires et de notes rectificatives par plusieurs humanistes italiens de renom dont le célèbre imprimeur vénitien Alde Manuce (1449-1515). 

Le livre contient plusieurs gravures sur bois en pleine page, du célèbre architecte Giovanni Giocondo (v. 1433-v.1515), et deux cartes pliées de la Gaule, ici exposée, et d’Espagne. 

L’exemplaire uqamien provient d’une édition rare dont sept autres exemplaires seulement subsistent à l’heure actuelle. 

21

Major, Georg [Maior, Georgius; Meier, Georg] (1502-1574), Vitae patrum, in usum ministrorum verbi, quo ad ejus fieri potuit repurgatae. Per Georgium Majorem. Cum praefatione D. Doctoris Martini Lutheri [Vies des Pères], Wittenberg, Petrus Seitz, 1544.
Cote : LA-D 1544 BR 150

Cet ouvrage s’ouvre sur la préface du célèbre réformateur allemand Martin Luther (1483-1546). D’abord moine, puis prêtre, il devint le prédicateur et théologien réputé, entre autres, pour ses idées réformatrices de l’Église romaine, ses 95 Thèses qui condamnent plusieurs pratiques du haut clergé, dont la vente des indulgences, ce qui lui valut d’être excommunié en 1521, ainsi que pour sa traduction de la Bible en allemand. 

Luther avait demandé au théologie allemand Georg Meier une édition protestante de la Vie des Pères qui fut mise à l’Index dès 1559. L’exemplaire exposé comporte des marques de censure et fut classé dans « l’Enfer » du Collège Sainte-Marie

La reliure, typique du style allemand, est en peau de porc ivoire, sur ais de bois. Elle est décorée de motifs végétaux et conserve l’un de ses deux fermoirs en métal. 

22

Voltaire, François-Marie Arouet dit (1694-1778); Dubourg, Louis-Fabricius (1693-1775),dess.; Folkema, Jacob (1692-1767), grav., Elémens de la philosophie de Neuton, mis à la portée de tout le monde, Amsterdam, Chez Etienne Ledet & compagnie, 1738. [Relié avec] Pope, Alexander (1688-1744), Les principes de la morale et du goût : en deux poëmes, Paris, Briasson, 1737.
Cote : LA-D 1738 QC 10 

Il s’agit d’un livre composite. La première partie est composée de l’ouvrage de vulgarisation réalisé par le célèbre philosophe des Lumières François Marie Arouet dit Voltaire (1694-1778) de la physique d’Isaac Newton (1642-1727) lequel a révolutionné la science dans les domaines de la mécanique, de l’optique et des mathématiques. La seconde partie réunit deux poèmes traduits en français par l’abbé Resnel du célèbre poète des Lumières anglaises Alexander Pope (1688-1744). 

L’ouvrage les Elemens de la philosophie de Newton a connu 26 éditions entre 1738 et 1785 et a contribué à supplanter définitivement la physique cartésienne. Les théories physiques et métaphysiques du célèbre savant anglais sont expliquées au grand public, féru de sciences et l’ouvrage comporte de nombreux diagrammes, figures géométriques, figures mathématiques et vignettes. Le livre est dédié à Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet (1707-1749), compagne de Voltaire, mais surtout une des femmes les plus savantes de son temps qui a fourni la première traduction en français des Principia mathematica de Newton. Elle aurait très bien pu figurer comme co-auteure tant elle a aidé Voltaire à comprendre la physique newtonienne. 

Le frontispice de l’ouvrage, dessiné par Louis-Fabricius Dubourg (1693-1775) et gravé par Jacob Folkema (1692-1767), illustre d’ailleurs ce célèbre trio scientifique. La connaissance, représentée par un rayon de lumière, émane de Dieu, passe par la tête de Newton assis sur un nuage, frappe le miroir tenu par Mme du Châtelet, pour redescendre jusqu’à Voltaire assis à son bureau, rédigeant les Elémens, entouré d’instruments scientifiques et de livres. 

23

Tite-Live [Livius, Titus] (59? av. J.-C.-17 apr. J.-C.), T.Livii Patavini historici clarissimi, opus, Luculentius climatiusque editum q[uam] antehac nunq[uam] quinque libris Decadis quintae et Fragmentis nuper in Germania inventis locupletatum… [Histoire romaine ou Décades], Paris, Jean Petit, Pierre Gaudoul et Pierre Vidoue, 1533.
Cote : LA-F 1533 PA 6452

Des 142 livres de l’œuvre monumentale de Tite-Live, L’Histoire de Rome depuis sa fondation (Ab Urbe condita libri), seuls 35 livres nous sont parvenus dans l’intégralité, regroupés, dès l’époque médiévale, en « décades ». L’édition de 1533 inclut le texte de la cinquième Décade, inconnu avant sa découverte par Simon Grynæus en 1526 et publié pour la première fois à Bâle en 1531. 

Le cadre pour le titre a été fabriqué par Urs Graf à Bâle pour Conrad Resch. Le grand encadrement du titre porte le monogramme du graveur bâlois Urs Graf dans le coin inférieur à droite. D’origine germanique, Resch fut, pour sa part, libraire à Paris entre 1516 et 1526 et y a introduit le livre de style bâlois typique des livres d’Érasme publiés par Johann Froben. Resch a commencé à utiliser ce cadre à Paris en 1520. Puis, lors de son retour à Bâle, suite aux difficultés à cause de la Faculté de Théologie, son imprimeur Pierre Vidoue a gardé une partie de son matériel typographique.

Le Centre des livres rares et des collections spéciales doit aussi au Collège Sainte-Marie une édition latine de Tite-Live de petit format, celle-là, publiée à Lyon en 1542 chez Sébastien Gryphe présentant sa marque d’imprimeur au griffon.

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Cicéron [Cicero, Marcus Tullius] (106-43 av. J.-C.), Opera M. Tulii Ciceronis [Œuvres], Paris, Charles Estienne, 1554.
Cote : LA-F 1554 PA 76 T. 1-4

Ce quatrième tome des œuvres de Cicéron contient, entre autres, le De Senectute (De la vieillesse) et le De Amicitia (De l’amitié), célèbres traitésqui eurent  une influence considérable à la période moderne.

Cette édition in-folio des œuvres de Cicéron, qui reproduit en grand format celle imprimée par son frère Robert I à Paris en 1543 (in-8), représente la plus importante et la plus volumineuse publication de Charles Estienne (1504?-1564), lexicographe et typographe du roi.

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[Jean van Meurs (1583-1652); Jesuitas], Ratio atque institutio studiorum Societatis Jesu (Ratio studiorum : Plan raisonné et institution des études dans la Compagnie de Jésus). Paris, Firmon Didot Frères, 1850. 
Cote : LA-D 1850 BX 3704

Le Ratio studiorum est au cœur de la mission pédagogique des Jésuites depuis la fin du XVIe siècle. Rapidement après la formation de l’ordre en 1540, les jésuites organisent un véritable réseau de collèges visant à freiner la progression du protestantisme. Il y en a plus de 800 à la fin du XVIIIe siècle, en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique. Le père Claudio Acquaviva (1543-1615), supérieur général de la Compagnie de Jésus, publie pour la première fois ce texte en 1599, lequel deviendra le code pédagogique de tous les collègues jésuites jusqu’au XXe siècle. Son influence dans l’enseignement des humanités se fait également sentir dans les écoles des autres ordres religieux ainsi que dans les établissements publics. Le texte détaille tous les aspects de l’organisation des études, de la hiérarchie des instances jusqu’aux programmes de lecture. Le cursus scolaire était orienté vers l’engagement religieux et considérait l’élève comme un soldat de l’armée du Christ, qui devait se dépasser pour atteindre l’excellence. 

La pédagogie jésuite insistait sur l’action (faire par soi-même), la participation à la vie sociale, la culture de l’éloquence et de l’expression. Le cursus scolaire faisait progresser l’élève de la grammaire latine vers la versification, les belles-Lettres, la rhétorique, la philosophie, les sciences et les mathématiques, à travers des exercices comme la récitation, le débat et la discussion et la composition écrite. 

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Diderot, Denis (1713-1784); D’Alembert [Jean Le Rond, dit] (1717-1783), Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de lettres. Mis en ordre & publié par M. Diderot …, & quant à la partie mathématique, par M. d’Alembert. Paris, chez Briasson, 1751-1765.
Cote : LA-F 1751 AE 25 E 5 T. 1-17

Le Dictionnaire raisonné des arts et des sciences de Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert est un véritable monument tant par son ampleur que par sa pérennité. L’ouvrage, paru entre 1750 et 1780, fait au total 35 volumes et a mobilisé plus de 130 collaborateurs dont Voltaire, Montesquieu, Turgot, Quesnay, Rousseau etc. À lui seul, le chevalier Louis de Jaucourt (1704-1780) a rédigé plus de 17 000 entrées sur les 68 000 qui composent l’encyclopédie. Comme son titre l’indique, l’ouvrage valorise les arts mécaniques (plus de 2 500 planches) et la science ; il synthétise la pensée des Lumières notamment par ses critiques à l’égard du christianisme, ses positions visant la promotion de la dignité humaine et par l’élaboration d’un programme audacieux de réformes dans les secteurs politique, économique, éducatif. Dès 1752, les Jésuites s’opposent farouchement à cette entreprise. L’année suivante, l’Encyclopédie est mise à l’Index et doit achever sa publication à Lucques, Livourne, Genève, Neuchâtel. Sa publication fut une véritable « aventure » pour reprendre l’expression de R. Darnton. 

Cette belle édition in-folio de 1751 a été achetée en 1858 au prix modique de 34$ : l’acheteur se félicite de l’avoir obtenu à si bon prix !

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